SHADA, une escroquerie à dénoncer!
Haïti-États-Unis : L’histoire de Shada, reflet d’une réalité immédiate de dépendance
vendredi 27 avril 2012
Au moment où
les autorités économiques vantent les « vertus » de l’implantation de la
zone franche de Caracol (Nord-Est d’Haïti, après celle de Maribaroux /
Ouanaminthe en 2003), malgré le risque de destruction de 40 7 de
mangroves du pays, la publication de « Shada, chronique d’une
extravagante escroquerie », interpelle sur l’histoire d’une expérience
de plantation qui a contribué à renforcer la dépendance économique du
pays...
« Il faut dire
assez, parce que voici ce qui s’est passé il y a quelques années. On ne
saurait continuer ainsi à handicaper un pays » !
Par Karenine Francesca Théosmy
P-au-P, 27
avril 2012 [AlterPresse] --- « Shada, chronique d’une extravagante
escroquerie », c’est le titre du nouvel ouvrage de la professeure
d’université et chercheure, Myrtha Gilbert, qui tente de faire une
percée vers les racines de la misère et la dépendance économique
d’Haïti.
Dans ce livre,
Myrtha Gilbert exhume Shada, spectre de la domination américaine, « un
projet qui a laissé notre agriculture en lambeaux, créé des problèmes
extraordinaires et des problèmes que l’on ressent encore actuellement »,
explique t-elle dans une interview accordée à AlterPresse.
La société
haïtiano-américaine de développement agricole (Shada), prend naissance
le 30 juillet 1941 sous le gouvernement d’Elie Lescot.
« J’étais
encore une petite fille à l’époque, mais l’idée de détruire des
plantations de nourriture pour les remplacer par du caoutchouc m’avait
rendue triste », raconte Myrtha Gilbert.
Des années plus
tard, cette tranche d’histoire l’interpelle avec davantage de force,
parce que notamment les conséquences de Shada sont crues et l’ignorance
des Haïtiennes et Haïtiens, insupportable, alors que les mêmes
mécanismes se remettent en place.
Shada : crime occulté
Journaux de
l’époque, certains de province, quotidiens de référence (tels le
Nouvelliste, le Matin).. : Myrtha Gilbert épluche la presse, fouille
dans les ouvrages écrits par des Haïtiens et des étrangers, pour faire
taire le silence sur cette compagnie à vocation de « développement
agricole ».
Bien avant
l’implantation de Shada en 1941, des experts étasuniens sont venus, au
début de l’occupation américaine (1915-1934), étudier des possibilités
de « faire des affaires en Haïti », relate l’ouvrage « Shada, chronique
d’une extravagante escroquerie ».
Dès cette période, ils concluent que l’île est l’une des plus appropriées, dans les Caraïbes, à la culture du caoutchouc.
Étonnant, estime Gilbert !
Vu la taille
des États-Unis d’Amérique par rapport à Haïti (300 fois en superficie),
le géant nord-américain a, de toute évidence, plus de terres pour
cultiver le caoutchouc.
Cependant, la
compagnie Shada parvient à s’installer, fondamentalement dans la Grande
Anse (Sud-Ouest), ne cachant, à aucun moment, son intérêt envers les
terres les plus fertiles pour planter son caoutchouc.
Cette exigence
sera satisfaite par le gouvernement de Lescot avec un zèle effarant :
expropriation des paysans sur fond de campagne anti-superstitieuse
(contre le vodou), destruction de plantations agricoles, déboisement et
destruction de forêts sous couvert « d’exploitation scientifique »,
montre Gilbert.
En l’espace de
trois ans, la compagnie Shada accomplit un monstrueux exploit, en
provoquant, par exemple, le déplacement de 250 mille personnes ainsi que
la coupe d’un million d’arbres fruitiers et de 200 mille pins dans les
montagnes d’Haïti.
Environ 70 ans plus tard, le pays caribéen n’a pas plus de 1% de sa couverture forestière.
Dans « Shada,
chronique d’une extravagante escroquerie », Myrtha Gilbert suit ce
processus aux allures diaboliques, dévoile la politique des dirigeants
haïtiens ou leur absence de politique.
Il existe une
relation perverse entre les puissances internationales et certains
nationaux pour instaurer des mécanismes néfastes pour l’économie et
l’avenir du pays, relève la chercheure.
En travaillant
sur l’histoire de Shada, la professeure Gilbert souhaite surtout mettre
en lumière les rouages et les racines de la dépendance alimentaire et
économique d’Haïti, bien perceptible aujourd’hui (en 2012), « habilement
pensée et instaurée par les États-Unis d’Amérique », révèle t-elle.
Ventre et poings liés
« Parce que, la
vision de la paysannerie haïtienne, c’est de cultiver la terre et
d’échanger ses produits contre ceux dont elle a besoin par le commerce,
alors que l’autre vision, c’est ‘’je me fiche que tu aies besoin de
manger, parce que, moi, j’ai besoin de caoutchouc, de pite et d’autres
choses. Et, c’est ce que tu vas produire sur tes terres, même si ce sont
les plus fertiles et que la population meure de faim’’, explique
t-elle.
Dès le départ,
le président de Shada, un américain du nom de Thomas Fennell, a annoncé
la politique des États-Unis d’Amérique d’exporter vers Haïti « beaucoup,
beaucoup de produits alimentaires… Et c’est pour cela que nous devons
être vigilants ». rappelle Myrtha Gilbert.
Pour elle,
c’est le point de départ, notamment, du recul de certains produits à
l’image du riz national (depuis 1986 avec l’ouverture - invasion du
marché national par le riz importé)
La chercheure
ne peut pas, dans le même temps, s’empêcher de faire un lien avec les
déclarations de Paul Collier et l’implantation de zones franches dans le
pays.
Le parc industriel de Caracol, installé sur des terres hautement fertiles, constitue, à ses yeux, une version de Shada.
« Justement un
des impacts du projet de Shada, c’est la grande famine qui existait dans
le pays…et on peut dire que, jusqu’à présent, il existe des vestiges de
ces plantations [de caoutchouc]. Et l’une des conséquences, c’est que
Shada a dévié le pays de la vocation d’avoir une autosuffisance
alimentaire grâce à son agriculture, vocation que même l’occupation
américaine n’avait pas réussi à pervertir ».
En 2012, les autorités estiment que 4 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire.
Malgré de
bonnes perspectives, prédites par la coordination nationale pour la
sécurité alimentaire (Cnsa), certains départements demeurent très
vulnérables.
Entre-temps,
l’équipe au pouvoir, dirigée par Joseph Michel Martelly maintient sa
volonté d’ « ouvrir Haïti aux affaires » et de créer des emplois,
volonté qui passe, semble t-il, par l’installation de parcs industriels
comme Caracol.
« C’est ainsi
qu’ils nous veulent. Un pays avec ¾ de la population dans les usines, à
travailler comme des esclaves. Parce que le destin, auquel ils veulent
nous soumettre, est celui de l’esclavage », souligne Myrtha Gilbert.
Les
conséquences sont faciles à deviner : « 300 millionnaires, 350 mille
personnes dans les bidonvilles, comme Cité Soleil (grande agglomeration
populaire au nord de Port-au-Prince)et 750 mille boat people… Celles et
ceux qui ont des privilèges sont aveugles, elles et ils ne voient pas
qu’on est en train de jouer avec le destin d’un pays », illustre la
chercheure.
« Il faut dire
assez, parce que voici ce qui s’est passé il y a quelques années. On ne
saurait continuer ainsi à handicaper un pays ! », s’exclame t-elle.
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JEAN ZIEGLER •INTERVIEW «LA FAIM N’EST PAS UNE FATALITÉ, MAIS UN SCANDALEUX CRIME ORGANISÉ»
Parution semaine 11, 2012
http://193.247.189.70/agrihebdo/journal/artikel.cfm?id=67283
JEAN ZIEGLER •INTERVIEW
«LA FAIM N’EST PAS UNE FATALITÉ, MAIS UN SCANDALEUX CRIME ORGANISÉ»
L’infatigable
JEAN ZIEGLER dénonce le scandale de la faim dans son dernier livre
Destruction massive – Géopolitique de la faim. Terrible constat: toutes
les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim dans le
monde. Pourtant, la planète regorge de ressources.
Mourir
de faim: terrible réalité et tragique scandale de notre siècle. Chaque
jour, 37000 personnes meurent de faim et 1 milliard – sur les 6,7
milliards que compte notre planète – souffre de sous-alimentation
permanente. Pour Jean Ziegler, «la faim dans le monde tient du crime
organisé». Selon les experts de la FAO (Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture), l’agriculture mondiale, avec son
potentiel de production actuel, pourrait nourrir 12 milliards d’êtres
humains, soit près du double de la population planétaire d’aujourd’hui.
Dans son dernier ouvrage, Destruction massive – Géopolitique de la faim,
le sociologue genevois pointe du doigt l’égoïsme, mais surtout les
enjeux économiques et politiques qui se cachent derrière cette
catastrophe humanitaire. Pour dénoncer cette situation, l’auteur
s’appuie sur ses huit années de travail (2000-2008) sur le terrain en
tant que rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à
l’alimentation. Aujourd’hui, il poursuit son engagement en tant que
vice-président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
«La
nourriture doit être considérée comme un bien public» Inlassablement,
le professeur Ziegler continue de réclamer plus de justice et d’équité
entre les pays et les peuples. Un discours sans concession: «Un enfant
qui meurt de faim est assassiné!» Ses écrits bousculent, dérangent,
martèlent les vérités que nous voudrions occulter, repus dans nos
habitudes de privilégiés.
Ce
livre a-t-il valeur d’exutoire après avoir vu tant de scènes terribles
durant votre mission de rapporteur pour le droit à l’alimentation?
- Durant les huit années de mon mandat comme rapporteur spécial des
Nations Unies pour le droit à l’alimentation, les ambassadeurs
américains auprès de l’ONU ont combattu – quel qu’ait été le président
en exercice à Washington – mon élection, ma réélection et chacun de mes
rapports. Ce livre est là pour apporter un témoignage documenté, basé
sur des connaissances acquises sur le terrain. C’est le récit de mes
combats, de mes échecs, de mes occasionnelles et fragiles victoires, de
mes trahisons aussi. Malgré son titre, Destruction massive, mon livre
est un livre d’espoir.
A part votre rôle de «témoin», avez-vous eu le sentiment de pouvoir agir et apporter des solutions? -
Jean-Paul Sartre écrit: «Connaître l’ennemi, combattre l’ennemi». La
première tâche du rapporteur spécial est analytique. Il doit révéler les
problèmes, mettre les Etats face à leurs responsabilités. Ensuite
proposer des mesures concrètes pour réaliser le droit à l’alimentation.
Dans
la situation actuelle, quelles devraient être les premières mesures à
prendre pour lutter contre la faim et la malnutrition? - Il n’y a
pas d’impuissance en démocratie. II existe des mesures concrètes que
nous, citoyens et citoyennes des Etats démocratiques d’Europe, pouvons
imposer immédiatement: interdire la spéculation boursière sur les
produits alimentaires; faire cesser le vol de terres arables par les
sociétés multinationales; empêcher le dumping agricole; obtenir
l’annulation de la dette extérieure des pays les plus pauvres pour
qu’ils puissent investir dans leur agriculture vivrière; en finir avec
les agrocarburants. Tout cela peut être obtenu si nos peuples se
mobilisent. J’ai écrit Destruction massive – Géopolitique de la faim
pour fortifier la conscience des citoyens. Je le répète, pendant que
nous discutons, toutes les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans
meurt de faim. Les charniers sont là. Et les responsables sont
identifiables.
Qui sont-ils?
- Dans mon livre, je parle des «trois cavaliers de l’Apocalypse de la
faim organisée». Ce sont l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le
Fonds monétaire international (FMI) et dans une moindre mesure la Banque
Mondiale. Le FMI et l’OMC ont été de tout temps les ennemis les plus
déterminés des droits économiques, sociaux et culturels, et notamment du
droit à l’alimentation. Les 2000 fonctionnaires du FMI et les 750
bureaucrates de l’OMC tiennent en horreur toute intervention normative
dans le libre jeu du marché. A leurs yeux, réclamer, par exemple, une
réforme agraire, un salaire minimum ou le subventionnement des aliments
de base pour sauver des vies est une hérésie. Les autres coupables de la
faim dans le monde sont les prédateurs boursiers, les vautours de l’or
vert, l’agroindustrie et quelques sociétés transcontinentales privées
qui contrôlent la production et le commerce des intrants.
Les paysans suisses ont donc raison de se mobiliser contre l’OMC?
- Bien sûr. La production agricole ne peut pas être considérée comme
une marchandise ordinaire. Le libre-échange est destructeur des
productions agricoles locales. Il engendre misère et famine. Prenez
l’exemple d’Haïti. Au début des années huitante, l’île était
autosuffisante en riz, qui est l’aliment de base de la population
haïtienne. A l’époque, les producteurs de riz de l’île étaient protégés
par un tarif douanier de 30%. Mais au cours des années huitante, Haïti a
subi deux plans d’ajustement structurel dictés par le FMI. Ce dernier a
imposé de ramener le tarif protecteur de 30 à 3%. Résultat: fortement
subventionné par Washington, le riz nord-américain a envahi les villes
et les villages haïtiens, détruisant la production nationale et par
conséquent l’existence sociale de centaines de milliers de riziculteurs.
Depuis le début des années 2000, le gouvernement haïtien a dû dépenser
un peu plus de 80% de ses maigres revenus pour payer ses importations de
nourriture. Aujourd’hui, Haïti est le troisième pays le plus pauvre du
monde, c’est un Etat mendiant subissant la loi de l’étranger.
Vous dites que ce qui manque c’est la volonté des Etats. Quelles solutions sont à leur disposition?
- Les solutions sont connues et couvrent des milliers de pages de
projets et d’études de faisabilité. Dans le cadre de l’ONU, les chefs
d’Etat et de gouvernement ont calculé que pour conjurer les huit
tragédies principales affligeant l’humanité – faim, extrême pauvreté,
eau polluée, mortalité infantile, discrimination des femmes, sida,
épidémies, etc. – il faudrait mobiliser pendant quinze ans un montant
d’investissement annuel d’environ 80 milliards de dollars. Et pour y
parvenir, il suffirait de prélever un impôt annuel de 2% sur le
patrimoine des 1210 milliardaires existant en 2010.
Les États ont-ils les moyens d’interdire la spéculation boursière sur la production agricole?
- Chaque bourse fonctionne sous l’empire d’une loi nationale. Il serait
extrêmement simple de faire interdire, par une décision parlementaire –
révision de la loi – la spéculation sur les denrées de base que sont le
maïs, le riz, le blé. Ces matières premières couvrent ensemble 75% de
la consommation mondiale. Voici ce qui s’est passé récemment. «90% des
paysans du Sud n’ont comme outils de travail que la houe, la faux ou la
machette» La crise financière de 2007-2008 provoquée par le banditisme
bancaire a fait exploser les prix. En dix-huit mois, le prix du maïs a
augmenté de 93%, la tonne de riz est passée de 105 à 1010 dollars et la
tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271
euros. Les spéculateurs ont dégagé des profits astronomiques mais des
centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants sont morts de
faim.
Si les Etats ne bougent pas, où est l’espoir?
De
formidables insurrections paysannes – totalement ignorées par la grande
presse en Occident – ont lieu actuellement dans nombre de pays du Sud:
aux Philippines, en Indonésie, au Honduras, au nord du Brésil. Les
paysans envahissent les terres volées par les sociétés multinationales,
se battent, meurent souvent, mais sont aussi parfois victorieux. Georges
Bernanos écrit: «Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres». L’ordre
cannibale du monde peut être détruit et le bonheur matériel assuré pour
tous. Je suis confiant: en Europe l’insurrection des consciences est
proche.
Les
dirigeants du Sud n’investissent pas ou peu dans le développement
agricole, si bien que de nombreux experts constatent un ralentissement
de la production agricole vivrière en Asie et en Afrique subsaharienne.
Les premières causes de la faim ne résultent-elles pas de ce désintérêt
des élites dirigeantes? - C’est vrai que la corruption, le
népotisme, le mépris des classes paysannes autochtones pratiqués par
nombre de gouvernants de l’hémisphère Sud sont détestables.
L’accaparement de terres ne serait pas possible sans la corruption de
dirigeants autochtones. Selonla Banque Mondiale, l’année dernière, 41
millions d’hectares de terres arables ont été accaparés par des fonds
d’investissements et des multinationales uniquement en Afrique. Avec
pour résultat, l’expulsion des petits paysans. Ce qu’il faut dénoncer,
c’est le rôle de la Banque Mondiale, mais aussi celui de la Banque
Africaine de développement, qui financent ces vols de terre. Pour se
justifier, elles ont une théorie pernicieuse qui est de dire que la
productivité agricole est très basse en Afrique. Ce qui est vrai. En
temps normal, un hectare de céréales au Sahel donne 600 à 700 kilos. Un
hectare de blé en Suisse ou en France donne jusqu’à 10000 kilos.
«Le libre-échange prôné par l’OMC est destructeur des productions agricoles locales»
Mais
ce n’est pas parce que les paysans africains sont moins compétents ou
moins travailleurs que les paysans suisses ou français. C’est parce que
ces pays sont étranglés par leur dette extérieure. Ils n’ont donc pas
d’argent pour constituer des réserves en cas de catastrophes ni pour
investir dans l’agriculture de subsistance. Il est faux de dire que la
solution viendra de la cession des terres aux multinationales. Ce qu’il
faut faire, c’est mettre ces pays en état d’investir dans l’agriculture
et de donner à leurs paysans les instruments minimaux pour augmenter
leur productivité. Dans les pays du Sud, 90% des paysans ne disposent
comme outils de travail que de la houe, de la machette et de la faux. Un
milliard de paysans n’ont ni animal de trait ni tracteur.
Quel est votre regard sur l’agriculture suisse et la politique agricole menée par le Conseil fédéral?
- La politique agricole suisse manque de clarté. L’ouverture sans
réserves sérieuses aux diktats de l’OMC (de l’Union européenne aussi)
est dangereuse. La priorité absolue doit être la protection efficace des
paysans suisses. Un pays qui veut garder son indépendance- ce doit être
capable d’assurer sa souveraineté alimentaire, c’est-à-dire sa capacité
d’assurer une partie substantiel- le de sa production alimentaire sur
son propre territoire. Cela fait partie intégrante d’une défense
nationale crédible. Deuxièmement: les paysans sont en charge d’une
multifonctionnalité. S’il n’y avait plus de paysans dans la vallée de
Conche, par exemple, en quelques deux, trois ans, la vallée serait
détruite, les avalanches ravageraient les forêts, les ronces et les
serpents rendraient les champs infréquentables. Les zones de repos, si
prisées par les citadins, disparaîtraient. Il y a une sorte d’hypocrisie
de célébrer – à juste titre – la beauté des paysages suisses et en même
temps de refuser des paiements directs suffisants aux paysans qui
assurent la sauvegarde de ces paysages. Les paysans exercent un dur
labeur d’intérêt public. Ce travail doit être rémunéré d’une façon
décente. Ce qui n’est souvent pas le cas aujourd’hui.
Propos recueillis par Karine Etter
Infos utiles : Destruction massive – Géopolitique de la faim, de Jean Ziegler, Editions du Seuil, 343 pages.
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